It is during our darkest moments that we must focus to see the light

Mwen se echantiyon yon ras kap boujonnen men ki poko donnen

Si vous voulez vous faire des ennemis essayer de changer les choses

Tuesday, May 20, 2008

Haïti : Plus dure sera la chute par Nancy Roc

17 mai 2008 Alterpresse Un mois, jour pour jour, après le vote de censure du Sénat contreJacques Édouard Alexis et son gouvernement, c’est au tour du Premierministre désigné, Éricq Pierre, d’essuyer un échec devant la Chambredes Députés. Ces derniers ont, en effet rejeté, le 12 mai, sa nomination parcinquante et une voix contre, trente-cinq pour et neuf abstentions.C’est le second camouflet infligé en onze ans par la Chambre basse àÉricq Pierre officiellement, en raison, notamment, d’une absence decohésion « dans les pièces d’identité du récipiendaire, dont le nom(Éricq Pierre ou Pierre Éricq) apparaîtrait dans des arrangementsdifférents selon le document consulté. [1] ». -------------------------------------------------------------------
Si cet échec ne nous étonne pas, il semble avoir choqué plusieurspartis politiques, autant qu’une grande partie du public. La populationhaïtienne, toutes couches sociales confondues, est durement touchée parla hausse du coût de la vie, du pétrole et des produits de premièrenécessité. Sur les ondes des différentes stations de la capitale, ellene peut plus cacher une fatigue frisant l’écœurement, face aux pratiques sans éthique qui caractérisent certains parlementaires, enparticulier certains députés. Faisant fi des menaces qui ont pesé sur certains de leurs confrèrespendant les émeutes d’avril et feu de paille des attentes du peupleface à la vie chère, le bloc des parlementaires « anti-Pierre » estallé « jusqu’au bout d’un scénario qu’on redoutait dans l’opinionpublique depuis plusieurs jours » [2]. -----------------------------------
Haïti se retrouve donc face à une énième impasse politique qui risquede plonger le pays dans une nouvelle zone de hautes turbulences auxconséquences graves pour une population déjà à bout de souffle.Quelles sont les raisons officieuses de ce rejet ? Quels sont lesprincipaux mandataires qui n’ont cure de la faim qui tenaille leursmandants dans ce jeu macabre ? Quelles en seront les possiblesconséquences pour l’avenir du peuple haïtien ? Quels sont les enjeuxpolitiques qui se profilent à l’horizon de part et d’autre ? ---------------------------------------------------------
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cetexte.
Tractations dans les coulisses du pouvoirLe 12 mai, à l’issue de plusieurs heures de débats souvent houleux, laConcertation des parlementaires progressistes (Cpp) a confirmé sa forcepolitique au sein de l’assemblée en réunissant les 51 voix ayant permisd’écarter la candidature d’Éricq Pierre.Cette décision a été qualifiée de « revancharde » par de nombreuxpartis politiques, et la population a clairement exprimé sadésapprobation face à ce rejet qui oblige le pays à faire face à unenouvelle impasse politique alors que la situation socioéconomique estcritique.--------------------------------------------------------------------
Même son de cloche du côté de l’Église et du secteur privé : « C’est unjeu politique » a déclaré l’évêque de Jacmel, Monseigneur Poulard, pourqui cette sanction ne fera qu’aggraver la situation du pays. De soncoté, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti(Ccih), Jean Robert Argant, a affirmé que le rejet du choix d’Éricq Pierre aura des conséquences négatives pour le pays, précisant « quel’absence d’un gouvernement légitime est un obstacle aux efforts desdifférents secteurs pour relancer l’économie nationale. Il estimportant que le vide soit comblé dans le meilleur délai [3] ».----------------------------------------------------------------------
Quant à la communauté internationale, alors qu’elle s’attelait àfaciliter le déblocage de fonds d’urgence face à la crise alimentaire,elle a désormais les mains liées. L’Ambassadeur du Canada, ClaudeBoucher, a déclaré, cette semaine sur les ondes de Radio Métropole, que« le vide est préoccupant (…) Un mois sans gouvernement est unehypothèque très lourde pour le pays », a-t-il souligné en ajoutant que« les délais sont scandaleux et on connaît les enjeux », a lancé lediplomate canadien en espérant un sursaut des acteurs politiques pournormaliser la situation. D’autre part, il a précisé que « la criseactuelle suscite des interrogations de la part des autoritéscanadiennes désireuses d’accompagner le pays sur la voie du progrèséconomique. Il faut répondre à ces interrogations par des actions,telles le vote de la Loi électorale et la ratification du Premierministre » [4], a-t-il conclu.----------------------------------------------
La désapprobation est donc générale, et l’intérêt mesquin et personneldes députés de la Cpp est fustigé de toutes parts. Ils ont voté pourleurs intérêts et à l’encontre de ceux d’une nation en état d’urgence.« En mercenaires », a même lancé un port-au-princien, outré parl’attitude des députés, lors d’un micro-trottoir diffusé cette semainesur Radio Métropole. Que s’est-il donc passé dans les coulisses du pouvoir et de la Chambrebasse ? ------------------------------------
Les dissensions entre les députés pro-Éricq Pierre et anti-Éricq Pierreont rapidement fait surface, notamment à travers les déclarations dudéputé Dorson Jean Beauvoir. Ce dernier a révélé que « des députés dela Concertation des parlementaires progressistes (Cpp), tombeurs duPremier ministre désigné Pierre Ericq Pierre, ont, à travers des maires, des Casecs et des organisations bidon de leurscirconscriptions, obtenu de la Primature, à l’initiative de JacquesEdouard Alexis, des chèques allant de 400.000 à 600.000 gourdes pourfinancer des projets fictifs, dont la réhabilitation d’écoles ».« Ce sont des accusations gratuites. Il faut faire de la politiqueautrement », a rétorqué le député Gasner Douze de la Cpp. « À laprimature, il y a une liste de projets. Cela ne date pas d’aujourd’hui», a-t-il ajouté, en rejetant les accusations de favoritisme et decorruption. « C’est normal. Les fonds ont été débloqués. Il fautmaintenant vérifier sur le terrain si les travaux sont réalisés [5] »,a-t-il conclu. -----------------------------
Selon certains observateurs, à travers ce jeu macabre et cruel quidémontre le désintérêt total des députés de la Cpp par rapport auxpréoccupations d’un peuple affamé, c’est bien la course à la présidencede 2011 qui est déjà lancée, et une course contre la montre a doncpoussé les députés à cet acte irresponsable. ---------------------------------------------------------------
En effet, les élections pour le renouvellement de la Chambre basseauront lieu dans un an et les présidentielles dans deux ans, pouraboutir à la mise en place du prochain chef de l’État en 2011.Or, c’est sous la gestion du prochain Premier ministre que serontorganisées ces élections.
Il n’est donc pas étonnant que ces députés- qui avaient déjà étéaccusés d’avoir été monnayés par Jacques Édouard Alexis pourl’obtention du vote de confiance du 28 février dernier- se soient, unefois de plus, laissés tenter mais, cette fois-ci, en se désolidarisantdu président. Ils veulent désormais assurer leurs arrières autant queleur éventuelle réélection. ------------------
Les déclarations du député Dorson Jean Beauvoir ne viennent queconfirmer les rumeurs de monnayage de certains parlementaires parJacques Édouard Alexis qui n’a certainement pas avalé le vote desanction qui lui a été décerné par le Sénat le 12 avril dernier.Homme orgueilleux et ambitieux, il avait tenu à souligner que sa chute « ne signifiait pas la fin de sa carrière politique » [6], enpromettant au peuple de ne jamais l’abandonner en chemin. ----------------------------

Les ambitionsprésidentielles d’Alexis sont connues de tous. Y a-t-il eu un affrontement à distance entre Préval et Alexis à laChambre basse ? Oui, répondent sans hésitation certains observateurs. Pour eux, cetaffrontement démontre aussi que Préval a sous-estimé Alexis et que cedernier a conforté sa base au détriment de celle de Préval, au seinmême de Lespwa [7].
Ainsi, trois tendances s’annonceraient-elles pour les prochainesélections : D’un côté, Jacques Édouard Alexis pourrait se présenter comme candidatavec une base plus solide et former son propre parti. Une sourceparlementaire nous a d’ailleurs confirmé l’existence de conciliabulesau sein de la Cpp pour que cette Concertation se transforme en partipolitique. De plus, certains observateurs avaient avancé l’hypothèseque Préval aurait pu avoir laissé les émeutes d’avril s’empirer pourdémettre Alexis. Ce dernier aurait donc pris sa revanche à travers lerejet du Premier ministre désigné par le Chef de l’État ; -------------------------------------------------
D’un autre côté, 72 heures après le rejet de son Premier ministredésigné, René Préval n’avait toujours pas fait de déclaration, malgréle grave blocage que pourrait entraîner la décision de la Chambre bassedans une situation de crise déjà alarmante. Or, les noms de troispersonnes pouvant remplacer Éricq Pierre sont déjà cités au plus hautniveau. Le Ministre sortant de la Planification et de la Coopérationexterne, Jean Max Bellerive, Robert Manuel et Joanas Gué, Secrétaired’État à l’Agriculture, font figure de favoris pour occuper le prochainposte de Premier ministre désigné. Tous les trois sont proches duprésident et, à travers le choix du prochain chef de gouvernement,Préval révèlera son poulain pour les prochaines élections ;Enfin, l’ombre d’Aristide persiste sur l’échiquier politique haïtien. Selon certaines sources, Préval ne souhaiterait pas le retour de l’ailedure de Lafanmi [8] au pouvoir. Or, le Père Gérard Jean-Juste est citéouvertement sur les ondes des stations lavalassiennes de Floride commele poulain d’Aristide pour 2011. ---------------------------------------------------------------------------
Le rejet d’Éricq Pierre : quelles conséquences ?Le rejet d’Éricq Pierre par les députés de la Concertation desparlementaires progressistes (Cpp) prouve que ces derniers ne sont,contrairement à leur appellation, non seulement pas progressistes, maisils ont confirmé l’échec de la Chambre basse comme institution de laRépublique. --------------------------------
D’autre part, après la déception du vote de confiance accordé le 28février à Jacques Edouard Alexis, certains émeutiers avaient clairementmontré leur hostilité à l’encontre de certains députés. Cependant, cesderniers ont bien vite oublié qu’en démocratie, la politique est l’artde supprimer les mécontentements [9]. -----------------------------------------------------------
L’acte posé le 12 mai par les députés de la Cpp a aussi renforcé leconstat de l’échec de la Plateforme Lespwa, n’en déplaise auxprésidents des deux Chambres, qui ont qualifié « d’exercicedémocratique » le rejet du 12 mai, alors que Lespwa est l’objet detoutes les critiques. Ainsi, si Alexis avait été un fusible en avrildernier, à l’avenir, lors de l’éventuel -et très prévisible- éclatementde nouvelles émeutes, les nouveaux fusibles seront-ils certainement lesdéputés de la Cpp et même, possiblement, René Préval. --------------------------------------
Quant aux accusations du député Dorson Jean Beauvoir, elles sontvirtuellement soutenues par la circulation, sur l’Internet, des copiesde chèques de la BRH [10]signés par Alexis. Voilà donc une occasion enor de vérifier si l’allégeance, fièrement proclamée du Commissaire deGouvernement Claudy Gassant à Préval, est réelle, autant que sesprétentions de vouloir lutter contre la corruption ! ------------------------------------------------------------------------------------
Au moment où l’on évoque la possibilité de représenter Éricq Pierredevant la Chambre basse, il faut espérer que cet homme de savoir-faire et de bonne volonté, ne se laissera pas humilier une troisième fois àla face du monde entier ! --------------------------------------------------------
Alors que Joseph Jasmin, coordonnateur de Lespwa et ministre chargé desrelations avec le Parlement a affirmé que la page Éricq Pierre a ététournée après le vote de la Chambre basse, l’ex-Premier ministredésigné a donné une conférence de presse à l’Hôtel Montana le jeudi 15mai.
Avec une rare élégance, Éricq Pierre a remercié tout le monde : duPrésident de la République jusqu’à la Concertation des parlementairesprogressistes (Cpp), en passant par les partis politiques, la sociétécivile et la presse objective. Toutefois, il a aussi mis les points surles « i » en révélant ceci : « dès le début du processus, je me suisheurté aux forces de la corruption. Mon refus de pactiser avec elles mevaut aujourd’hui d’être écarté par la Chambre des Députés. Les mots «patrie » ou « intérêt du pays » n’ont jamais été présents dans lesmessages des émissaires qui me pressuraient pour négocier en faveur deleurs protégés des postes de Ministres, des enveloppes d’argent ou desprojets pouvant faciliter leur réélection. -----------------------------

J’ai toujours professé que je n’accepterais pas d’être Premier Ministre à n’importe quel prix. Etje ne pouvais pas non plus prendre des engagements qui hypothèqueraientles ressources du Trésor Public avant même d’entrer à la Primature.J’ai aussi voulu jouer cartes sur table, refusant d’entrer dans le jeude ceux-là qui pensent pouvoir se cacher indéfiniment derrière unmasque anti-néolibéral ».
Éricq Pierre a tenu aussi à avouer qu’il avait sous-estimé le poids desforces de la corruption. D’un calme olympien, il a précisé qu’il nevivait pas la décision de la Chambre des Députés comme un dramepersonnel. Il a noté qu’après sa rencontre avec les députés de laConcertation des parlementaires progressistes, qui avaient accepté dele rencontrer sur demande du Premier ministre Jacques Édouard Alexis qui, lui-même, avait acquiescé à la requête du Président de laRépublique, il était convaincu que la Cpp n’allait pas l’appuyer : « àmoins que le Président de la République et le Premier ministre JacquesÉdouard Alexis arrivent à persuader les membres de la Plateforme Lespwaet les membres de Cpp de m’accorder leur vote. Ceci n’a pas eu lieu etje ne veux pas spéculer sur ce qui s’est passé ». ------------------------------------------------------
Éricq Pierre a donc, semble-t-il, tiré sa révérence, et il l’a faitavec courage et une grande classe, malgré la bassesse des différentesautorités en place qui l’ont amené à la boucherie.
En effet, Préval sachant pertinemment qu’Éricq Pierre ne disposait pasde base politique, aurait dû faire campagne pour la candidature de sonPremier ministre désigné, autant auprès du public qu’auprès de laPlateforme Lespwa. Mais il n’a rien fait, absolument rien, ce quiprouve encore l’acuité de la pensée de Sénèque qui disait qu’ « aucunvent n’est favorable à celui qui ne sait pas où il va ». D’autre part,les déclarations d’Éricq Pierre viennent confirmer les informations decorruption contre la Cpp, notamment celles qui évoquaient que cesderniers souhaitaient obtenir cinq ministères au sein du prochaingouvernement. --------------------------------------
Une chose est certaine : plusieurs masques sont tombés après ce rejetdu Premier ministre désigné. De plus, le mécontentement est palpable àtous les niveaux de la société et les signes d’exaspération de lapopulation pourraient facilement s’envenimer. ------------------------------
En effet, on apprenait le 5 mai dernier que « des leaders populaires dela Savane des Cayes, la zone la plus défavorisée de la région du Sud,avaient lancé un ultimatum au Parlement haïtien et au président RenéPréval pour qu’ils s’assurent de la ratification d’un nouveau PremierMinistre ». Ces « leaders populaires » - qui avaient organisé lesémeutes de la faim dans la ville des Cayes au début du mois d’Avril -ont prévenu que des manifestations plus violentes que celles tenues récemment pourraient avoir lieu si, d’ici le 12 mai, « un nouveauPremier Ministre n’était pas ratifié, pour que ce dernier puissecommencer au plus vite à s’attaquer aux problèmes de la faim, du coûtélevé de la vie et de la hausse vertigineuse des prix des produits depremière nécessité » [11]. ------------------------------------------------------------------------------------------
Enfin, dans cette nouvelle impasse politique dans laquelle se trouveHaïti, comme stipulé par l’économiste Marc L. Bazin, « nous sommes unefois de plus à la croisée des chemins. La conjoncture est pleine depérils. Entre un président omni présent et un Parlement divisé, de plusen plus décidé à ne pas céder la moindre parcelle de son pouvoir, unnouveau Premier ministre va devoir se frayer sa voie vers l’efficacité.La crise alimentaire va certainement s’aggraver, car les causes quil’ont engendrée -notre faiblesse de production et la montée des prixinternationaux- ne vont pas disparaître du jour au lendemain » [12].Les conséquences du prolongement du vide gouvernemental actuel risquentdonc d’être incalculables, et plus dure sera la chute pour tout lemonde. ---------------------------------------------------------------------
Charles Péguy disait que « la politique se moque de la mystique, maisc’est encore la mystique qui nourrit la politique même [13] ».Connaissant le côté mystique qui domine l’imaginaire haïtien, si l’onse réfère à l’image du récent naufrage du bateau dénommé « Dieu soitloué » en provenance de Pestel… alors, nous préférons ne pas nousprononcer sur la vision de la catastrophe nationale qui se profile àl’horizon.
À bon entendeur, salut !

Thursday, May 8, 2008

Haiti: Pour Une Autre Gouvernance Politique par Marie Laurence Jocelyn LASSEGUE

Je voudrais d'abord et avant tout remercier le Président de la République, Monsieur René PREVAL ainsi que le Chef du Gouvernement, Monsieur Jacques Edouard ALEXIS, pour la confiance placée en moi durant deux (2) ans. Ce fut un honneur, de pouvoir contribuer à la conduite des affaires de mon pays, dans une phase particulièrement délicate de son histoire.J'ai été à la tête du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes durant ces deux (2) ans. Toutefois, la présente, n'a pas pour objectif de dresser le bilan et les perspectives de cette institution. J'aurai l'occasion de le faire au moment de la passation des rennes à ma successeure.A l'heure de la mise en place d'une nouvelle équipe gouvernementale, je veux faire part de ma compréhension des choses afin de participer à la réflexion sur la bonne gouvernance. Je préfère que l'on me reproche de parler, de trop parler maintenant. Je ne supporterais pas demain de m'être tue ! -------------------------------------------------------------

Du profil des ministres: Au sein d'un Cabinet Ministériel, on peut être très « technique », spécialiste dans un domaine précis : tourisme, culture, économie, égalité des sexes, etc… et s'en tenir à la bonne marche de tel secteur en question. Le pays a eu d'excellents-es/ experts-es qui ont récemment encore réalisé un travail exceptionnel au sein du Gouvernement de Monsieur Alexis. Néanmoins, on peut être un-e Ministre technique et également politique par choix idéologique, ou par expérience de la chose publique. Ceci n'empêche pas cela. Dès le premier jour de la crise aux Cayes, le 2 avril dernier, les évènements ont accentué les interrogations qui étaient les miennes depuis plusieurs mois. Membre d'un Gouvernement dont j'étais fière, sous la houlette d'un Premier Ministre expérimenté et rigoureux, je travaillais dans un secteur difficile par excellence. J'ai aussi toujours tenu à contribuer aux réflexions globales du Gouvernement, en vue de la cohésion que voulait le Premier Ministre. J'ai, ainsi, fait part de propositions relatives à la communication gouvernementale, à la nécessité de rencontres régulières entre les ministres, le Parlement et les partis politiques représentés au sein dudit Gouvernement. J'avoue que depuis un (1) an, j'avais des questionnements, des doutes même, face à l'articulation des actions des différentes entités étatiques, compte tenu des rôles définis par la Constitution. Je pensais que nous n'étions, peut-être pas, sur la bonne voie. Ce, également, en raison des interpellations du Chef de l'Etat qui exprimait, de façon récurrente, des réserves quant à la performance du Cabinet Ministériel. Je sentais un énorme décalage entre ce que nous faisions et ce qu'il semblait attendre de nous. J'ai pensé que je me trompais peut-être, que le temps me donnerait tort. C'est moi qui ai eu tort justement de n'avoir pas assez insisté, en faisant part de mes préoccupations et inquiétudes grandissantes en Conseil de Gouvernement ou en Conseil des Ministres. Aujourd'hui, au nom de cette politique que j'exhorte les femmes à faire autrement, je veux réfléchir tout haut avec les Responsables politiques de mon pays : le Président de la République, le Premier Ministre, les Partis Politiques, le Parlement Haïtien.-----------------------------------------------------

Du Gouvernement Pluriel: Dès le départ, le Chef de l'Etat a fait choix d'un Gouvernement pluriel. Fallait-il pour autant, au nom de ce pluralisme politique, verser dans un immobilisme quasi paralysant ! L'Exécutif, en deux années, n'a pratiquement pas touché à ceux et celles dont la mission est non seulement de nous représenter, mais surtout de défendre les intérêts politiques, économiques et culturels du pays à l'étranger. Je veux parler des Ambassadeurs-res, des Consuls-es etc... D'autres représentants-es par excellence de l'Exécutif, les Délégués-es gouvernementaux, sont restés-es en poste, sans pour autant être imbus-es ou sans forcement épouser les orientations stratégiques du pouvoir. Rappelons que ces personnalités régionales, doivent jouer un rôle capital dans la coordination de l'action gouvernementale avec les élus-es locaux. Dans l'article 86de la Constitution, il est indiqué que : « Les Délégués et Vice-Delegués assurent la coordination et le contrôle des Services publiques. Ils n'exercent aucune fonction de politique répressive ». De même qu'un Cabinet est appelé à partir avec le ou la Ministre, de même les Délégués-es et vice-Délegués devraient accompagner tout renouvellement de l'Exécutif. Il semblerait évident que le Président de la République ait eu peur de ces changements qui auraient, selon lui, fragilisés cette stabilité politique essentielle au développement économique et au renforcement de la sécurité dans les dix (10) Départements. Par ailleurs, le choix du Chef de l'Etat a donné lieu à un Cabinet Ministériel formé de personnalités d'horizons divers. Si cette composition présentait l'avantage de refléter la pluralité du Parlement, et somme toute, le caractère composite des forces politiques du pays, elle charriait aussi, avec elle, sa part de difficultés tout particulièrement en termes de gouvernance opérationnelle et de cohésion structurelle. Ces difficultés sont non intrinsèques aux personnalités en question, ni à l'action du Premier Ministre. Celles-ci traduisent le dysfonctionnement criant de toutes les composantes concernées de l'appareil d'Etat.---------------------------------------

De la Cohésion Gouvernementale: Malgré les efforts du Premier Ministre, tout s'est passé comme si nous ne formions pas «un vrai» gouvernement ayant la confiance du Chef de l'Etat. Un gouvernement doit être une équipe, une équipe solidairement responsable des décisions prises collectivement. Or, les faits nous ont souvent montré le contraire. Tout au long de ces deux (2) années, chacun et chacune s'est concentré-e, sur ses dossiers sectoriels propres au détriment de l'action globale, sur lequel repose, en définitive, la performance collective.Le cantonnement dans les dossiers spécifiques, a fragilisé, malgré la bonne foi et la compétence, la conduite politique des affaires du pays. Un gouvernement doit non seulement gérer le quotidien mais également, tenter de prévoir les contingences, prendre le pouls des situations conjoncturelles et ainsi aboutir collectivement aux décisions qui s'imposent.Une occasion avait été offerte après l'interpellation du 28 février 2008. Un remaniement ministériel était souhaitable dans le but de redéfinir l'action gouvernementale et repartir sur de nouvelles bases. Le Chef de l'Etat, le Premier Ministre sont passés à côté de ce moment critique et n'ont pas jugé bon d'adopter les mesures, qui de toute évidence, s'imposaient. --------------------------------

Du Parlement, des groupes parlementaires: Les parlementaires et les différents groupes des deux (2) chambres qui se sont constitués tout au cours de cette période, ont eu une praxis singulière de leurs prérogatives constitutionnelles. L'interpellation du Premier Ministre, par exemple, était brandie plutôt comme une démarche obligatoire de sanction, alors qu'il aurait dû servir d'outil d'évaluation de l'action gouvernementale. Elle aurait pu également être une opportunité de définition des mesures correctives à entreprendre ! Pour une bonne gouvernance, nous aurions intérêt à considérer le devoir de contrôle des actions du Gouvernement comme un processus de correction politique, un exercice hautement démocratique. Le pouvoir doit être utilisé par les instances concernées pour rechercher des améliorations dans l'intérêt collectif. C'est ce que nous, féministes politiques, appelons « faire la politique autrement ». Quant à l'Exécutif, il a négligé de construire cette majorité parlementairesi nécessaire à son action pérenne. Le processus ayant conduit à l'élection du chef de l'Etat, ne lui a pas accordé une majorité partisane. Il aurait donc fallu, par le jeu des alliances, bâtir cette majorité structurée et organisée. Sans compter que le fort sentiment d'indépendance des Parlementaires ne les a pas astreints à une discipline de Parti. Là aussi, nous avons un apprentissage à faire, pour le bien de la démocratie. Le déficit d'institutionnalisation concerne donc aussi les Partis Politiques. -----------------------------------------------------------------

Des Partis politiques: Partout ailleurs, dans les systèmes ou les forces politiques sont représentées tant au Parlement qu'au sein du Gouvernement, des mécanismes de consultations, de conciliation, de régulation célères sont créés. Ils permettent d'éviter tout malentendu, tout dérapage et participent au maintien de la continuité de l'Etat. Les Partis politiques présents au Parlement le savent, ils apprennent quotidiennement à leurs cadres comment faire fonctionner l'Etat, comment utiliser les outils politiques pour une bonne gouvernance, etc… Il aurait suffi qu'ils fûssent pro-actifs en faisant eux-mêmes au Chef de l'Etat, au Chef du Gouvernement des propositions concrètes de réorientations stratégiques, de remaniements des personnels lorsqu'il le fallait. Or l'occasion s'est présentée après l'écrasant vote de confiance à la Chambre Basse, en février dernier. Par ailleurs, la même énergie avec laquelle les Partis politiques alliés au gouvernement et le Sénat de la République eurent à demander le départ du Premier Ministre, aurait dû être utilisée par ces derniers pour réorienter l'action gouvernementale, lorsqu'il semblait clair que la formule de gouvernement pluriel n'était plus la panacée et ne correspondait plus aux besoins de l'heure. Les Partis Politiques auraient également dû, tenant compte de l'énoncé de Politique Générale, et veiller à ce que le Premier Ministre, tienne avec eux des réunions régulières d'évaluationtant de l'action du Gouvernement que du travail des Ministres les représentant respectivement. Une telle pratique aurait grandement profité à la Nation et évité que nous débouchions sur la situation qui a conduit, entre autre, au désastre économique et social d'avril dernier. ---------------------------------------------------------------------------

Des Marges de Manœuvre du Premier Ministre: Dans un tel contexte, le Chef du Gouvernement avait très peu de marge de manœuvre. Entre un Parlement fort de ses prérogatives constitutionnelles, et un Président bien imbu de sa légitimité électorale. Desservi par une faiblesse institutionnelle généralisée, le Premier Ministre s'est fort souvent retrouvé dans des situations difficiles voire inextricables. A ce jour, aucun mécanisme n'a été mis en place, favorisant une collaboration systématique des diverses instances de l'appareil d'Etat en vue de permettre la direction effective du Gouvernement. ---------------------------------------------

La question de communication gouvernementale mérite également d'être indexée. Il s'agit ici de plaider en faveur de l'établissement d'une politique nationale de communication, afin d'informer sur les orientations du gouvernement, sur les difficultés de l'heure et sur les solutions arrêtées pour les populations. Il faut aussi et surtout une «culture de la communication» apte à renforcer l'institutionnalisation de l'Etat et se reposer sur les diverses structures existantes, au niveau national, régional et local, notamment sur les medias communautaires, afin de s'assurer de la circulation d'informations des Chefs lieux des départements aux sections communales. -------------------------------------------------------

Du Gouvernement de Coalition: Aujourd'hui, un consensus semble être trouvé pour un gouvernement de coalition détenant une feuille de routebien précise. Un tel gouvernement avec un programme commun, des objectifs clairement définis, soutenu par une majorité parlementaire bien structurée, pourrait garantir la prise en compte des attentes urgentes des populations. Il s'agira, néanmoins, de vœux pieux, si le prochain Premier Ministre ne peut implémenter son action politique avec le soutien déclaré et réel du Chef de l'Etat, dans le libre respect des prérogatives constitutionnelles de l'un comme de l'autre. Si le prochain titulaire de la Villa d'accueil n'est pas assuré de rencontrer les Partis représentés dans son Cabinet de façon régulière ; s'il n'a pas la latitude, quand il en sent le besoin, de changer de Ministre ou de hauts fonctionnaires ; s'il ne peut réviser son plan d'action au regard de la conjoncture nationale et internationale ; si le Parlement haïtien ne joue pas son rôle de législateur et de contrôleur en constant dialogue avec l'Exécutif... force sera de constater que la montagne aura accouchée, une fois de plus, d'une souris. Il nous faudra alors évaluer les dégâts que nous n'aurons qu'à déplorer, une fois de plus, dans notre pays ! Que le prochain Chef du Gouvernement soit « politique », ou « technique », si les mécanismes institutionnels garantissant son action ne sont pas mis en branle, il échouera. La feuille de routeissue du Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) n'aura de vertu que si toutes les instances de l'appareil d'Etat s'impliquent de façon efficace et surtout respectent les règles du jeu démocratique. Se reg jwet la ki pou respekte !

Friday, May 2, 2008

Lettre ouverte au Sénat et à la Chambre des Députés

Port-au-Prince, le 28 avril 2008

Honorables Parlementaires,
Les Organisations citoyennes et Organismes de Droits Humains engagés dans l’observation électorale, viennent par la présente, partager avec vous leurs préoccupations face à trois changements inquiétants qui ont été apportés au Projet de Loi Electorale, actuellement soumis au vote du Parlement haïtien. Ces modifications qui font peser de graves menaces sur la crédibilité et la sincérité du processus électoral sont les suivantes :-----------------------------
1. La mise en place d’une Commission de Garantie Electorale au dessus du Conseil Electoral Provisoire.
2. La mise sous tutelle de l’Observation Electorale
3. L’instauration de la Cour de Cassation comme instance de recours en matière de contentieux électoral. --------------------------------------------------------------------------------

Ces trois changements sont contraires d’une part à la Constitution qui fait du CEP l’autorité suprême en matière électorale et d’autre part contre le principe de l’observation électorale indépendante. ----------------------------------------------------------------------------

Il est impensable d’instaurer au dessus du CEP une Commission de Garantie Electorale qui, comme le stipule l’article 241, aurait autorité pour « faire corriger au CEP ses irrégularités » et « prendre toute initiative appropriée dans l’intérêt du bien être général au regard du processus électoral ». La Constitution de 1987 a voulu soustraire l’instance électorale de la tutelle du Pouvoir Exécutif, il serait aberrant aujourd’hui de la placer sous la coupe d’une Commission, nullement prévue par la Loi Mère du pays et onéreuse pour le Trésor Public. De plus, l’idée d’une telle Commission avait été conçue à un moment historique donné, par consensus entre la classe politique et la société civile, pour répondre à une situation d’exception, qui n’existe pas aujourd’hui. ---------------------------------------------------------------------------------

Les organisations signataires protestent contre cette tentative anti-démocratique de museler et de mettre sous tutelle l’observation électorale citoyenne. En référence, les articles 223, 224, 224.1, 224.2, 228, 232, 234 qui de plus font du processus d’accréditation des observateurs une course d’obstacles et à la limite un dispositif d’exclusion et interdisent toute dénonciation publique des irrégularités. L’observation électorale est et doit demeurer une initiative citoyenne indépendante de l’Etat et des formations partisanes. Sa régulation ne peut être assurée que par le CEP. ------------------------------------------------------------------------------------

Le Gouvernement de transition avait déjà fait une tentative d’introduire la Cour de Cassation dans le processus électoral. (Articles 191 à 202). L’expérience a été si désastreuse, comme en atteste son intervention dans l’affaire SIMEUS, que l’Exécutif s’est empressé de revenir aux prescrits de notre Charte fondamentale. Il ne saurait être question aujourd’hui de rééditer une aventure aussi périlleuse. Les organisations signataires de la présente attirent l’attention du Conseil Electoral Provisoire (CEP), des partis politiques et de l’opinion publique sur le danger que représentent ces trois changements, qui n’ont pas été présentés pour discussion aux différentes parties concernées et demandent instamment aux honorables Parlementaires, gardiens des intérêts de la Nation, de ne pas accorder leur approbation à ces trois dispositions, qui ne manqueront pas de déstabiliser le processus démocratique. Les Organisations signataires vous prient d’agréer, Honorables Parlementaires, avec leurs remerciements anticipés, l’expression renouvelée de leur considération distinguée. --------------------------------------

Conseil National d’Observation Electorale (CNO) ----------------------------------------------
Commission Nationale Justice et Paix (JILAP). ------------------------------------------------
Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). -----------------------------------
Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH). --------------------------------------------
Plateforme des Organisations Haïtiennes de droits Humains (POHDH). ------------------------
Initiative de la Société Civile (ISC).